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Fig. 57 – Théodore Rousseau, Vue de la plaine de Montmartre. Fig. 58 – Georges Michel, Les Moulins sur la colline. Huile
68 Effet d’orage, 1848. Huile sur toile, 23,5 x 35,5 cm. Paris, musée sur panneau, 25,5 x 38,5 cm. Collection particulière
du Louvre, Département des Peintures, inv. rf 2053
Si Michel et Rousseau partagent ce même tourment artistique, ils tout naturellement, de nombreux articles suivirent, souvent élo-
divergent cependant sur la signification de leur art. Le premier, gieux, comme ceux de Théophile Gautier. Pourtant jamais, à notre
Michel, a le sens profond de la terre alors que Rousseau donne à sa connaissance,n’estprononcésonnom,unrapprochementproposé,
peintureuncaractèrecérébraletquasimentmystiqueabsentchezson une filiation exprimée alors que la matière était là, visible et expres-
prédécesseur. Cet aspect n’est jamais abordé par Sensier, et encore sive, ouverte à toutes les comparaisons. Dans ses Curiosités esthé-
moinsparlescritiquesd’artquinelalouentquebienplustard.Sensier tiques, à propos du Salon de 1846, Baudelaire n’a d’yeux que pour
est peu disert sur l’influence de Michel sur Rousseau. Que trouve-t- Rubens (1577-1640) et Rembrandt (1606-1669). De l’influence de
on dans sa biographie sur ce dernier ? « C’est le commencement de la Georges Michel sur Théodore Rousseau, pas un mot. Il en va ainsi
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sauce », dit Rousseau à propos de Georges Michel . Là s’arrête leur pourtouslesSalonsetdetouteslescritiquessouventlaudatricessur
rapprochement, une expression pour le moins énigmatique. Rousseau. Affirmer que Michel était un précurseur est aujourd’hui
Pour étudier l’influence de Michel sur Rousseau, il faut se tourner uneévidence,maisunprécurseursilencieux.VincentPomarèdeécrit:
vers les Salons et les critiques d’art. Rousseau y expose à partir de « Pour tous les historiens de l’art depuis 1870, l’œuvre de Georges
1833 sa Vue des côtes de Granville remarquée par Théophile Gautier. Michel a d’abord été considéré comme un maillon incontournable,
En 1851, si Clément de Ris écrit que « Rousseau est le premier de comme la transition indispensable entre les tableaux de Ruisdael
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nos peintres de paysage » , il n’aborde pas pour autant la ques- et Hobbema, les pittoresques vues de Demarne ou Swebach-
tion de l’influence de Michel. Toutes les œuvres présentées par Desfontaines et les créations pleines de force et d’émotion de
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Rousseau aux Salons firent l’objet d’abondants commentaires, des Théodore Rousseau » .
plus élogieux aux plus destructeurs, des plus ciselés aux plus naïfs. Si la critique resta silencieuse au regard de l’influence de Michel sur
Hormis leurs jugements qu’on est libre de ne pas partager, on re- Rousseau, c’est sans doute que le premier n’avait pas encore acquis
connaîtra leur qualité intrinsèque. Les journalistes d’alors savaient la réputation et l’importance qu’on lui reconnut plus tard. C’est
de quoi ils parlaient... biencequ’écritJeanBouret:«Ilexposesespaysagespourlapremière
Le jury finit – enfin – par admettre les tableaux de Rousseau et, foisauSalonde1791etlacritiquel’ignorecommeelleleferad’ailleurs
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