Page 8 - georges_michel
P. 8
ciel y est sombre, menaçant et chargé d’éclairs. Quand la nature se
calme, Michel dessine un arc-en-ciel qui s’arc-boute au-dessus du
paysage (cat. 49). Chez Rousseau en revanche, tout est plus doux
et pastoral. Dans son Marais à la Souterraine (fig. 60), l’orage se
termine, la pluie finit de verser ses dernières larmes et la nature re-
trouve sa sérénité.
On pourrait discerner bien d’autres divergences et similitudes
entre Michel et Rousseau. Notre étude n’a pas pour ambition d’en
faire une revue exhaustive mais d’attirer l’attention sur les multi-
ples nuances qui les éloignent et les rapprochent. Elle aurait atteint
son but si elle pouvait susciter des vocations afin d’approfondir nos
connaissances sur deux artistes qui ont profondément marqué l’art
français du XIX siècle.
e
1. Sensier, 1873, p. 42. 16. Vincent Pomarède, dans Lyon,
2. Sensier, 1873, p. 21. 2002, p. 40.
3. Sensier, 1873, p. 38. 17. Bouret, 2016, p. 27.
Fig. 60 – Théodore Rousseau, Marais à la Souterraine, 1842. Hui- 4. Cité par Sensier, 1873, p. 30. 18. Miquel, 1975, p. 16.
70 le sur toile, 22,5 x 29,5 cm. Cambridge, Fitzwilliam Museum, 5. Larguier, 1927, p. 67. 19. Meindert Hobbema, L’Avenue
inv. pd.148-1985 6. Sensier, 1873, p. 38. à Middelharnis, 1689, huile sur
7. Sensier, 1873, p. 39. toile, 103,5 x 141 cm, Londres,
au lointain, et souvent, à une colline où sont perchés maisons et 8. Sensier, 1873, p. 50. The National Gallery,
moulins battus par les vents (fig. 58). 9. Le catalogue de la vente, dont inv. ng830 ; Camille Corot, Ville
Dans Une clairière en forêt de Fontainebleau (Carrefour de la Reine un rare exemplaire est conservé à d’Avray. L’Etang et la maison de
blanche) (fig. 59), Rousseau fait du chemin un fil conducteur qui Paris, Bibliothèque nationale de Cabassu, vers 1835-1840, huile
serpente et nous conduit vers des frondaisons mystérieuses. Mais France, est reproduit en annexe sur papier, marouflé sur toile,
contrairement à Michel, c’est le règne du végétal qui domine. Au- du présent ouvrage. 28 x 40 cm, Paris, musée du
tour du chemin qui disparaît dans la forêt, tout n’est que douceur 10. Sensier, 1873, p. 87. Louvre, Département des Pein-
alors que du tableau de Michel exhale la rugosité du règne minéral. 11. Sensier, 1873, p. 6. tures, inv. rf 2640.
Et comme toujours, le monde de Rousseau est dépeuplé alors que 12. Sensier, 1873, p. 50
de celui de Michel surgit souvent une activité humaine et animale. 13. Sensier, 1872, p. 225.
Une autre divergence entre Michel et Rousseau doit être encore 14. Sensier, 1873, p. 58.
soulignée : il s’agit du rôle du premier plan. Michel l’intègre au ta- 15. Louis Clément de Ris, « Salon
bleau en véritable élément constructif, alors que Rousseau en fait de 1850-1851 », L’Artiste, 1851,
un motif « repoussoir » afin de valoriser les plans plus éloignés. Ain- p. 18.
si sont-ils chez lui plus ébauchés que construits, rarement termi-
nés. Cela est d’importance car toute la perspective du tableau s’en
trouve dès lors modifiée.
Enfin, chacun a sa façon de voir et d’interpréter les éléments na-
turels : la pluie, les nuages, la tempête, la nature qui foudroie et se
déchaîne. C’est dans sa dernière période qu’on trouve chez Michel
les représentations tempétueuses les plus avérées de la nature. Le
934343-02_070_07-Sep-17_15:19:46_walter