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Michel et ses contemporains français et anglais
Enattendant,revenonsauxartistesdel’époquedeGeorgesMichel.
Sensier, s’il évoque leurs liens d’amitié ou de camaraderie, n’aborde
pas cette question qui nous paraît pourtant cruciale. Même de la
génération suivante, Sensier aurait pu recueillir des témoignages
presque directs. Mais l’heure n’était sans doute pas encore venue
aux questions. Il laisse ainsi aux générations suivantes le soin de
réfléchir, d’élaborer des théories et de répondre, autant que pos-
sible, à celles qui nous tracassent. Nous savons peu de choses de
l’opinion des artistes de l’époque sur Georges Michel. Nous sui-
vons leurs incursions, nous savons qu’ils peignent parfois ensemble
les mêmes sujets et que la nature guide leurs pas picturaux. Mais
Sensierestloindethéoriseretnouspensonsquec’estlepersonnage
et la personnalité de Michel dont il définit ainsi les contours. C’est
ce qui transparaît clairement dans les propos de Madame Michel
qu’il fait siens. Cette profonde lacune est accentuée par l’absence
de critiques aux Salons qui firent florès bien plus tard. Ce constat
s’étend par ailleurs non seulement à l’entourage de Georges Michel
Fig. 55 – Pierre-Henri de Valenciennes, L’Orage au bord mais aussi aux peintres anglais et à leur immense influence. Déjà
66 d’un lac. Huile sur papier, 39 x 52 cm. Paris, musée du Louvre, Turner faisait le tour de l’Europe, essaimant les fleurs de son talent
Département des Peintures, inv. rf 2950 etproposantdestableauxjamaisvusetencoremoinsimaginés.Puis
vinrent Richard Parkes Bonington (1802-1828) et John Constable
plume acérée de Théophile Gautier, à la considération perçante de (1776-1837), ce dernier exposant pour la première fois à Paris en
Théophile Thoré, qu’il commença à tracer son chemin. On retien- 1824. Cette exposition marqua les esprits, souleva l’enthousiasme
dra cette remarque de Sensier : « Pourquoi l’auteur de toutes ces et suscita des vocations. Georges Michel la vit-il ? Il avait alors pas-
ébauches brusquement maçonnées a-t-il gâché ainsi un talent réel sé la soixantaine mais possédait encore toute la vigueur pour s’y
et une vocation de grand artiste ? » Pourquoi ? Et de poursuivre : précipiter. En entendit-il au moins parler ? Sensier n’en dit mot ou
« Pendant que Michel siégeait à la barrière, M. Bidault siégeait à plutôt parle de « points de contact avec les maîtres anglais » . C’est
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l’Institut » . Un règlement de compte à peine voilé avec l’acadé- tout.
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misme dominant, contre Jean-Joseph-Xavier Bidault (1758-1846)
et Jean-Victor Bertin (1767-1842), ses plus farouches adversaires. Même si les témoignages et les documents ne nous renseignent
Ceci pour dire que Michel n’avait ni l’envie rivée au corps, ni la vo- pas sur un éventuel contact direct de Georges Michel avec la pein-
lonté assez puissante et conquérante pour franchir des barrières ture anglaise de son époque, on ne peut qu’être frappé par le même
autres que celles de Montmartre. Ce n’est donc qu’une question de souffle préromantique qui les anime. En cela, Michel fait œuvre de
personnalité et non de talent. D’ailleurs les pages de Sensier nous précurseur en France. L’intérêt de la génération suivante, notam-
paraissent clairement exprimer la réponse que nous attendons. Né ment de Paul Huet et de Théodore Rousseau pour la peinture an-
d’unmilieumodeste,Michellefutetleresta.Ondirait,enadoptant glaise est en revanche bien connu et avéré.
le langage actuel, qu’il n’était pas carriériste. Comme Théodore
Rousseau, il partage le goût de la solitude et aspire à une certaine Georges Michel et Théodore Rousseau
misanthropie. Lui, Georges Michel, voulant goûter aux plaisirs
simples de la vie quotidienne ; l’autre, Théodore Rousseau (1812- Sur Théodore Rousseau, nous savons beaucoup. Paradoxe de l’his-
1867), robuste comme les chênes qu’il dessine, désirant imposer sa toire de l’art, Alfred Sensier en écrit aussi la biographie en 1872,
proprevisiondel’art.C’estcequilesdifférencie.Nousverronsplus quelques années après la disparition de l’artiste en 1867, et un an
loin ce qui les rapproche et quel sens donner à l’influence supposée seulement avant la parution de celle consacrée à Georges Michel.
de l’un sur l’autre.
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