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Fig. 53 – Jean-Louis Demarne, Le Déjeuner des faneurs, 1814. Fig. 54 – Lazare Bruandet, Paysage, dit aussi Le Bois de Boulogne.
Huile sur toile, 34,5 x 47,5 cm. Cherbourg, Musée Thomas Huile sur toile, 46,5 x 56 cm. Cherbourg, Musée Thomas Henry, 65
Henry, inv. 835.104 inv. mth 2006.0.18
s’installent plus tard dans le Midi de la France, à Collioure, Juan- A ce stade, on est en droit de se demander : à Pierre-Henri de
les-Pins et Cagnes-sur-Mer. Les impressionnistes, les fauves, les Valenciennes (1750-1819) (fig. 55), Demarne et Bruandet déjà ci-
pointillistes, tous sont attirés par le soleil zénithal, les couleurs tés, Jacques Swebach-Defontaines (1769-1823), Simon Lantara
crues et la lumière limpide de la Méditerranée, donnant à leurs (1729-1778),Nicolas-AntoineTaunay(1755-1830)...ouàGeorges
œuvres des formes nouvelles et des tonalités inattendues. Michel Michel, à qui faut-il accorder la paternité du nouveau paysage ?
a fait son choix. Celui de rester. A part quelques brefs séjours et de Sensier y apporte une réponse personnelle : « Il est probable que
courtes expériences « lointaines », il est le peintre de Montmartre Michel précédait plutôt qu’il ne suivait le mouvement imprimé par
et celui des moulins. Un nom dont on l’affuble encore aujourd’hui, les écoles anglaises et françaises car il ne se mêla jamais à leurs évo-
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et qui porte en lui le germe d’une raillerie un brin péjorative. Saint- lutions » . On ne peut que lui donner raison car si Georges Michel
Cloud, Sèvres, Meudon, Montrouge, Auteuil, Saint-Denis, Clichy, s’approche de ses « précurseurs » par le thème de la nature, même si
Charenton, le Trocadéro et les Buttes-Chaumont, Belleville. Rien le paysage devient le sujet majeur des peintres que nous venons de
n’a de secret pour lui. Il en connaît tous les chemins, toutes les citer, il ne leur ressemble jamais. Michel, à lui seul, va marquer un
clairières, toutes les constructions usées par le temps, tordues par tournant comme Joseph Mallord William Turner (1775-1851) en
les tempêtes et mordues par la variation des saisons. A ce propos, Angleterre, à la différence que ce dernier, s’il devait sa réputation à
Sensier écrit : « Il y a cinquante ans, Montmartre n’était pas ce que son incontestable talent, sut le faire connaître. Michel, à l’inverse,
nouslevoyonsaujourd’hui;c’étaitunlieufortsauvagequ’onnevisi- exposaauxSalonsentre1791et1814pourneplusjamaisfaireparler
tait que par nécessité... ou par misanthropie. La colline était difficile de lui ensuite, jusqu’à la vente de 1842 , puis l’exposition boulevard
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à gravir, les chemins tortueux, sillonnés d’ornières dangereuses, et Bonne-Nouvelle de 1847 où on n’exposa de lui qu’une seule toile
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on s’embourbait facilement dans les marnes » . Ce fut cependant la « qui fut à peine remarquée » . Une autre exposition eut lieu en
Terre promise de Georges Michel, le principal lieu de sa création. Il 1861. Et même si elle fut très suivie, seul Sainte-Beuve la distingua
en tire de nombreux tableaux, et cette colline devient son Everest. en lui consacrant quelques lignes.
Que dirait-il du Montmartre d’aujourd’hui ? Un bien maigre succès. C’est plus tard seulement, grâce à la
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