Degas à l'exposition Japonismes. Impressionnismes au musée de Giverny.
A la recherche d'autres formes d'art, les peintres occidentaux se sont passionnés pour l'art japonais dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ils y ont trouvé de nouveaux sujets d'inspiration originaux et inégalés.
"Soudain, 1868, l'horizon s'ouvre. Le Soleil-Levant admet des invités dans son Empire. Les voyeurs de profession, je veux parler des peintres s'y précipitèrent. Ils n'en pouvaient plus de l'Antique", écrit Erik Orsenna dans sa préface du catalogue.
L'exposition que propose le musée des impressionnismes de Giverny célèbre ainsi le 150e anniversaire de l'ère Meiji qui "marqua l'ouverture définitive du Japon à l'Occident", ajoute Marina Ferretti-Bocquillon, sa directrice scientifique. Giverny ne pouvait rêver mieux que d'organiser et de présenter cette exposition sur le thème du rapport de l'impressionnisme avec le japonisme. Le choix de la date est évidemment symbolique. On rappellera pour mémoire la "révélation" du Japon par sa présence remarquée aux expositions universelles de 1867 et de 1878 à Paris et à Londres. Des événements majeurs, non seulement culturels mais aussi, il faut ici le souligner, politiques et économiques. On remarquera encore la publication de L'art japonais, le premier livre sur le sujet en français. On voit s'ouvrir une boutique rue de Rivoli à Paris, dès 1862, "La porte chinoise" dont on compte parmi les clients Baudelaire, Whistler, Fantin-Latour, les Goncourt, toutes des personnalités d'influence. La mode du Japon s'ouvre à la littérature, à d'autres formes d'art telles que l'orfèvrerie.
Le Japon entre donc dans notre culture et dans nos foyers et on verra son explosion dans la fascination pour le mobilier sous Napoléon III. Les peintres y cherchèrent de nouvelles sources d'inspiration... et de collection. Van Gogh collectionna pas moins de 400 peintures japonaises, Monet 250 estampes. Cette nouvelle passion pour un art somme toute nouveau - pour l'Occident - devait se traduire chez les peintres par l'adoption d'autres sujets sur d'autres techniques. On se tourna vers le pastel, vers l'estampe sur soie, on inscrivit les sujets sur des formes nouvelles telles que l'éventail. Beaucoup de peintres s'adonnent à cette nouvelle mode où ils trouvent une autre façon de s'exprimer. Chacun à sa façon : Rivière, Signac, Manet, Pissarro, Morisot, des peintres américains tels que Whistler et Chase et l'anglais Ensor. Nombre d'entre eux insèrent leurs sujets dans des éventails, peu habitués qu'ils sont à cette nouvelle mise en page.
Degas n'échappe pas à cette fascination qu'il traduit principalement par des éventails. Des gouaches et aquarelles sur soie, des pastels, des peintures à l'essence, mélangeant souvent les techniques comme la gouache et le pastel, l'aquarelle et or et argent sur soie. On peut même se demander si certains de ses paysages tels que Les champs labourés ne s'inspirent pas de ce nouveau mouvement. Tout comme Manet, Whistler, Cassatt - pour ne citer qu'eux - Degas est aussi un maître de l'estampe. Femme à l'éventail et Mary Cassatt au Louvre (Bibliothèque nationale, Paris) sont parmi les plus beaux exemples de la passion de Degas pour le japonisme. Une passion qui s'exprime - peut-on faire le lien ? - dans son extraordinaire talent pour le monotype et la lithographie.
Collectionneur d'art japonais ? Degas est loin de Van Gogh et de Monet mais on trouve par exemple dans sa collection ce Paysage du Mont Fuji de Watanabe Seiti qu'il rencontra, selon Edmond de Goncourt, chez Philippe Burty où il y avait encore Manet et de Nittis. Degas n'a donc pas été oublié dans l'exposition. Mais vous y trouverez des merveilles inattendues et, parmi les artistes japonais : Yoshitoshi, Hiroshige, Utamaro sans oublier Hokusai, le plus célèbre. Ravissement des oeuvres japonaises mais aussi de leur retentissement en Occident avec ce qu'en firent Gauguin, Sérusier, Maurice Denis, Caillebotte, Bonnard, Vuillard, Ranson et Vallotton.
Japonismes. Impressionnismes du 30 mars au 15 juillet 2018 au musée des impressionnismes de Giverny (site Internet : http://www.mdig.fr/) et du 26 août 2018 au 20 janvier 2019 au Arp Museum Bahnhof Rolandseck de Remagen (Allemagne).
Publication : 08-04-2018